OTTAWA (AFP) - Le sourire mystérieux de la Joconde est celui d'une femme qui vient d'avoir un enfant révèle une étude canadienne à base d'imagerie numérique en trois dimensions, montrant aussi que le chef d'oeuvre de Léonard de Vinci, bien que fragile, a encore de beaux jours devant lui.
Le Conseil national de recherches du Canada (CNRC) a dévoilé mardi à Ottawa les résultats d'une étude commanditée par le musée du Louvre et réalisée grâce à un système de balayage laser sophistiqué, en couleurs et en trois dimensions.
"C'est Mona Lisa comme on ne l'avait jamais vue avant", a déclaré Pierre Coulombe, président du CNRC, au cours d'un point de presse.
L'étude a permis de découvrir, selon Bruno Nottin du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), que Mona Lisa était enveloppée d'un "voile de gaze" fine et transparente normalement porté à l'époque par les femmes enceintes ou venant d'accoucher. C'est quelque chose qui n'avait pas été vu jusqu'à présent à cause du vernis qui cachait ce détail.
"C'est une femme qui vient d'avoir un enfant, qui se tourne vers nous et sourit légèrement. C'est un tableau qui fascine et qui le mérite", a-t-il dit.
M. Nottin a souligné qu'il n'y avait "pas de mystère dans le tableau, comme dans le Da Vinci Code", le livre de Dan Brown, mais que le tableau recèle toute la technique du maître. "C'est cela le vrai mystère que nous avons découvert", a-t-il dit.
Il a aussi indiqué que Léonard de Vinci avait changé d'avis en cours de route, peignant la Joconde les cheveux libres, après lui avoir d'abord fait porter un bonnet.
Les travaux des 11 chercheurs canadiens montrent que les millions de personnes qui viennent admirer la jeune femme au sourire énigmatique pourront le faire encore longtemps.
"Le panneau de bois sur lequel la Joconde est peinte est sensible à la température et aux variations climatiques. Toutefois, dans les conditions d'entreposage actuelles, il n'y a aucun risque de dégradation", a indiqué le CNRC.
Bien que fissurée, la couche de peinture reste soudée au panneau de peuplier qui lui sert de support. "Pour une oeuvre vieille de 500 ans, c'est une excellente nouvelle", a jugé un des chercheurs John Taylor.
"Le balayage 3D de la Joconde ne nous a pas seulement aidés à approfondir notre compréhension de la technique "sfumato" utilisée par Léonard, constituée d'effets vaporeux fortement ombrés, mais nous aidera aussi à nous attaquer aux problèmes de conservation", a déclaré Henri Loyrette directeur du musée du Louvre.
Tous les mystères du voile vaporeux qui enveloppe le sourire le plus célèbre du monde n'ont cependant pas été percés et les experts vont poursuivre leurs recherches sur la célèbre technique du "sfumato".
La technologie de numérisation laser 3D permet de déceler le relief engendré par les coups de pinceau sur une toile. Mais, souligne M. Taylor, "la surface de la Joconde ne révèle aucun des coups de pinceau. La couche de pigment est extrêmement mince et uniforme".
"La technique du maître ne ressemble donc à aucune autre. Léonard de Vinci est un cas à part", souligne-t-il. M. Taylor n'a d'autre part découvert aucune empreinte digitale, même si certains experts pensent que Léonard de Vinci a peint avec ses doigts, comme il l'a fait à d'autres occasions.
A la demande du Centre de recherche et de restauration des musées de France, des chercheurs du CNRC s'étaient rendus au musée du Louvre pour numériser la Joconde à l'aide d'un scanner 3D, capable de numériser des images en trois dimensions d'une profondeur de 10 micromètres, soit environ un dixième du diamètre d'un cheveu humain.
La numérisation a été effectuée pendant deux nuits en octobre 2004 par les chercheurs à qui il a fallu plus d'un an pour analyser les résultats.
Leurs travaux montrent également qu'une fissure de 12 cm sur la moitié supérieure de la peinture, "semble être stable et ne s'est pas aggravée au fil du temps".