ÉDITO / CHRONIQUE
La manif se poursuit au 104
L’édito de Jean-Marc Adolphe
date de publication : 30/03/2010 // 5924 signes
Source : Mouvement.net
OCCUPATION DU 104 : l'occupation du 104 a commencé ce jeudi 1er avril à 10h (voir notamment Libération.fr), et s'est poursuivie le vendredi 2 jusqu'à 17h. Elle reprendra mardi 6 avril : rendez-vous à 10h au café du 104.
Que faire, après la journée de mobilisation du 29 mars, pour ne pas finir comme rats en cage ? Faire de la politique. Par exemple : prendre collectivement la direction du 104 à Paris, à partir du 1er avril à 10 h. Et de là, tenter de faire école…
Face au Sénat, on s’est (un peu) défoulés. Comme au bon vieux temps de 2003, on (les manifestants du 29 mars « pour l’art et la culture ») a poussé un cri. Ça soulage, mais ça n’est guère efficace : les murs du Sénat sont épais, et le sénateur (de droite) est généralement un peu dur d’oreille. A l’issue de la manifestation, une délégation n’a été reçue que par des parlementaires de gauche (Jack Ralite, Catherine Tasca, Marie-Christine Blandin…) déjà acquis au mouvement de contestation de la réforme des collectivités territoriales et de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP). Sur ces deux points oh combien litigieux pour le monde de la culture (et pas seulement), le Premier Ministre a précisé dans un entretien au Journal du Dimanche, ce 28 mars, que les réformes seraient mises en œuvre. Normal : le gouvernement de Nicolas Sarkozy ignore la marche arrière (sauf sur la taxe carbone, mais là, c’est carrément l’embardée !). François Fillon précise même, en matière culturelle, ses intentions en matière de RGPP dans un édifiant courrier à Mme Françoise Miquel, contrôleur général auprès de Bercy : « Je vous demande de diriger une équipe d’auditeurs associant fonctionnaires et consultants privé pour examiner le ministère de la culture et de la communication et, le cas échéant, les opérateurs dont il exerce la tutelle. » Surprise : la requête va bien au-delà du non-renouvellement d’un départ sur deux à la retraite : « vos analyses devront examiner la pertinence du périmètre des actions de l’Etat et en évaluer les modes d’exercice pour déterminer si l’Etat est le mieux placé pour les prendre en charge. » Parmi les axes fixés par François Fillon : « la reconfiguration du secteur muséal », « l’externalisation des activités de surveillance générale et de magasinage sur certains sites », « la rationalisation du réseau des écoles du ministère », « l’optimisation de processus en matière de délivrance des licences d’entrepreneurs de spectacles et de gestion des subventions » ou encore « la réforme des modalités de l’intervention de l’Etat dans le secteur du spectacle vivant et le décroisement des interventions à Paris entre la Vile et l’Etat ». Au moins les choses sont claires ! La lettre de Fillon montre que le discours de vœux de Nicolas Sarkozy au monde de la culture, en janvier dernier, n’était qu’une vaste fumisterie ; et conforte les analyses développées dans le dernier numéro de Mouvement (« Culture : en attendant le crash »).
Une manifestation, si réussie soit-elle (4 à 5000 personnes à Paris ce lundi), ne suffira pas à enrayer un processus politique si destructeur. Il est fort à craindre, hélas, que, passée la « grande mobilisation » du 29 mars, chacun, dans les théâtres, centres d’art, etc., ne retourne vaquer à ses occupations. Que faire, alors ? Il ne sert à rien d’invoquer une méga-grève nationale dans la culture, où les salariés sont peu syndicalisés, et les artistes parfois trop « individualistes ». La réponse est simple ; faire de la politique, en lieu et place des appareils politiques qui ont cessé de faire de la culture un enjeu prioritaire de leur réflexion (de ce point de vue, la désignation par le Parti socialiste de Julien Dray à la Vice-présidence en charge de la culture et des nouvelles technologies au Conseil Régional d’Ile-de-France est suffisamment affligeante pour qu’elle se passe de commentaires). Inventer, donc, les formes d’une « coopérative politique », pour reprendre les mots lancés par Daniel Cohn-Bendit au lendemain des élections régionales.
Le CRACC (Comité régional d’action pour la culture et la connaissance en Ile-de-France), créé en novembre 2009, lance ainsi un appel pour écrire collectivement un « manifeste pour une politique culturelle alternative ». Rendez-vous de midi à minuit, le 10 avril, dans divers lieux de la région parisienne (CDN de Montreuil, MAC/VAL à Vitry-sur-Seine, Théâtre de l’Agora à Evry, Théâtre de l’Est Parisien, etc.) (1).
Mouvement, qui apporte son soutien à cette initiative, lance un autre chantier au Centquatre, établissement phare de la politique culturelle de la Ville de Paris, dont les premiers directeurs (Robert Cantarella et Frédéric Fisbach) ont démissionné, et qui se trouve pris aujourd’hui dans une tourmente autant budgétaire qu’existentielle. Nous y avons organisé, le samedi 20 mars, un « atelier des possibles » qui, à partir de la simple volonté de « produire de la rencontre », a soulevé bien des pistes de travail. Pour poursuivre ce chantier, nous avons trouvé un lieu : le Centquatre lui-même ! Considérant que ce lieu restera sans direction d’avril à juin, nous appelons à en prendre collectivement la direction. Rien de plus, rien de moins. Concrètement, une première assemblée générale constituante (d’un 104 « occupé ») a lieu ce jeudi 1er avril à 10 h. Après, on verra bien. Rien n’est programmé. Mais les idées sont là. En clamant « qu’un autre 104 est possible », il s’agit de faire école… Car sans une réappropriation collective, aujourd’hui même, des moyens de l’art et de l’action culturelle, l’impasse actuelle se referma sur nous tous comme une redoutable souricière.
L'occupation du 104 a commencé ce jeudi 1er avril à 10h (voir notamment l'article d'Anne-Marie Fèvre sur Libération.fr), et s'est poursuivie le vendredi 17 avril jusqu'à 17h. Après la trêve pascale, elle reprend mardi 6 avril : rendez-vous à 10h au café du 104.
Jean-Marc ADOLPHE
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